N'ayant pu voir ce film en 2013 et pas davantage depuis, je n'ai pas résisté à la possibilité offerte de le visionner tard dans la nuit sur C8 après  une longue émission sur le trublion Fabrice Luchini.
 
Le sujet du film ne peut me laisser indifférente s'agissant du théâtre et mettant en scène un "retraité" de force de la scène, suite à un burn-out et à des problèmes  judiciaires éprouvants. Il s'est réfugié dans une vieille bâtisse familiale de caractère sur une île où sévit l'inflation immobilière. Là il vit en misanthrope plus qu'en ermite depuis trois années. Personne de son passé n'ayant pris de ses nouvelles et ne sachant vraiment ce qui lui est arrivé.
 
Lors débarque un ancien ami qui a brusquement besoin impérieux de lui pour monter le Misanthrope de Molière. 
Entre ce qu'il dit et ce qu'il manigance il y a un monde! L'air de pas y toucher, il est prêt à tout ou presque pour faire aboutir un contrat qui ne demande qu'a être finalisé.
Lui, c'est une tête d'affiche de série TV à succès, qui touche un bon paquet par saison. Sa vie sentimentale est compliquée, pas étonnant, c'est un vieux beau (très  bien coiffé) qui donne l'impression d'aimer à tester son pouvoir d'attraction magnétique. Quitte à en faire stupidement exploser son projet. En fin de compte, il récoltera ce qu'il a mal semé pour satisfaire son ego. 
 
Pourquoi a-t-il besoin de Serge?
Pour qu'il lui apprenne ou réapprenne à jouer un grand rôle classique, pour son regard acéré et sans complaisance sur le jeu d'acteur, et enfin peut-être surtout comme faire-valoir. Oui, je déclare qu'il veut se servir de Serge comme faire-valoir, et non pas que Luchini veut se servir de Wilson comme si souvent clamé par la critique. Parce que nous sommes dans un film et que Wilson, dans le personnage qu'il joue ici, crève d'envie de garder pour lui le rôle titre et de n'offrir à son ancien ami que le second rôle, il se sert de Serge en amour de la même façon, comme faire-valoir pour remporter le premier rôle et coucher avec une italienne dont il n'a que faire, mais qui avait du prix au yeux de Serge et aurait pu l'aider à reprendre rôle dans la vie sociale. 
Serge n'entend pas être poignardé et piétiné, il ne sera le faire-valoir de personne. Il n'a plus confiance ni en lui, ni en l'humaine nature, il n'est pas à vendre, il se cherche douloureusement, il se prend soudain à espérer, mais ce matamore de Gauthier Valence (sous couvert d'amitié, sous des aspects bienveillants et étourdis) lui reprend tout.
La seule chose à laquelle il échappe étant une vasectomie, il lui restera donc cette puissance de vie, mais pour qui, mais pourquoi?
 
Ok, il lui reste le choix, après une telle expérience, peut- il choisir autrement que de s'enfoncer dans la misanthropie? Et puis c'est un film, Serge personnifie le rôle qu'il s'était approprié depuis le départ, il fait la preuve que. Ça fonctionne.
 
Et s'ils avaient ensemble choisi d'aider la jeune actrice série X à devenir une véritable comédienne? Même de cela Gauthier n'en avait cure!  De leur brève entrevue, son orgueil fut mis à mal. Or, venir en aide à cette jeune femme volontaire eut pu être leur acte de rédemption et leur succès commun. Ils l'ont laissée partir pour Bucarest comme laissé partir toute chance de devenir de vrais hommes de chair, de vrais amis véritablement unis sur un projet commun. Ils ont préféré demeurer en terrain conventionnel connu: lutte entre coqs, entre acteurs. Ils ont préféré demeurer des fossiles, des mammouths congelés.
La modestie? Il n'y a pas de modestie entre eux, ils sont en rivalité, en lutte, en colères. 
Les qualités humaines? Qui est accueillant et a volonté d'aider, qui s'abaisse à produire des excuses, même s'il est très maladroit en tous points, qui se remet en question, c'est Serge et non Gauthier, jamais Gauthier, abject de narcissisme!
 
Voilà bien une lecture à l'opposé de beaucoup d'autres sur ce film.
Cela doit être du à mon "regard très  particulier, si particulier sur les êtres, les choses et les événements".  Pour paraphraser qui se reconnaîtra!
 
Ici c'est un regard "1er degré". Sortons nos mouchoirs et pleurez.
 
 
Les jeux d'acteurs dans le film. Tandem Luchini-Wilson?
Efficace.
 
Les seconds rôles? Bien l'agent immobilier,  le chauffeur de taxi et la belle italienne.
 
Le théâtre (en vers) est-il le héros de ce film? 
Pourquoi pas!
Respecter, dépoussiérer, interpréter, répéter, tout donner.
Non pitié pas de costumes! 
Si le Misanthrope est d'actualité, sans forcément  user d'une mise en scène avangardiste ou absconse, le rendre proche "sur les planches" par un décor et des vêtements contemporains ou davantage épurés prêterait moins à sourire ou à en faire un enterrement de première classe.
Ce film n'est pas une comédie légère ou bouffonne, c'est une satire de la société avec un regard parfois tendre et drôle mais surtout lucide envers la faiblesse humaine.